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24 septembre 2014 3 24 /09 /septembre /2014 19:15

 

Actuellement fleurissent sur les réseaux sociaux des listes de nos dix meilleures lectures, ou alors des livres qui nous ont marqués. Oui, moi aussi j'ai fait ma liste de livres marquants, je ne sais même plus ce que j'ai mis dedans. Comment n'en choisir que dix ?

Si je devais la refaire aujourd'hui, cette liste, je doute qu'elle soit identique à la première.

Ma copine Marie Hélène a établi, elle, la liste de ses dix films préférés et me propose de dresser la mienne. Même si ça ne sert à rien, c'est amusant. En pleine reflexion du choix de mes films, je me suis aperçue que j'avais un net penchant pour le cinéma américain.

 

Au moins je suis cohérente avec ma sensibilité littéraire.

 

Et cette liste alors ? La voilà :

 

 

Dracula - Francis Ford Coppola

Le parrain - Martin Scorsese

Casino - Martin Scorsese

Il était une fois en Amérique - Sergio Leone

La guerre des étoiles - Georges Lucas

Taxi driver - Martin Scorsese

Le magicien d'Oz - Victor Fleming

Escalier C - Jean Charles Tacchella

Midnight in Paris - Woody Allen

Love actually - Richard Curtis

 

 

 

 

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15 septembre 2014 1 15 /09 /septembre /2014 16:48

 

Mercredi je reprend le chemin de l'atelier d'écriture. Chic, je vais souffrir.

Pour patienter jusqu'à la rentrée, Nadine nous a proposé un extrait de Je suis né de Georges Perec dans lequel l'auteur propose "Quelques-unes des choses qu'il faudrait que je fasse avant de mourir." L'idée étant d'établir notre propre liste.

A l’instar de Georges Perec, j’ai moi aussi une liste de choses qu’il faudrait que je fasse avant de mourir.

Faut-il que je fasse ou ai-je envie de faire ?

Cette notion de « falloir… devoir… » me rebute. Finalement, à bien y réfléchir, je ne vois pas ce que je devrais faire. Ma liste prend donc un chemin détourné et devient la liste des choses que j’aimerais faire avant de mourir. Voilà qui m’est plus confortable.

J’aimerais retourner aux Etats Unis. J’aimerais faire la route du Blues. Aller m’enchainer aux racines sèches et tortueuses de cette divine complainte. Mon voyage commencerait à Chicago puis descendrait à travers le Tennessee, l’Arkansas, le Mississipi et la Louisiane jusqu’à La Nouvelle Orléans où je boirais à la source du chant sacré.

 

J’aimerais faire du sport, j’aimerais courir mais sans aucune fatigue. Il n’est pas question que je souffre le martyre dès la première foulée. Non, ce que je veux c’est courir, pas apprendre à courir !

 

Il faudrait, ah oui là il faudrait que j’arrive à dormir une nuit entière d’un vrai sommeil. Un sommeil naturel sans aucune aide chimique. Qu’est ce que ça doit être bien de dormir naturellement !

 

J’aimerais avoir le temps de lire les mémoires de Charles de Gaulle et celles de Winston Churchill. Ca fait des années que j’y pense. Je ne vois pas bien ce que cela m’apporterait, ça ne changerait pas ma vie. Ces deux là m’appellent et me captivent.

 

J’aimerais aller à Strasbourg et voir le château du Haut-Koenigsbourg. Aller à Saint Pétersbourg au mois de juin pour voir les nuits blanches.

 

Porter un kimono traditionnel avec tout le rituel que l’habillage comprend bien entendu.

 

Parler anglais, espagnol, italien, japonais, allemand, grec, russe, portugais et finnois. Là encore, j’ai dit parler, je ne veux pas apprendre ça prend trop de temps !

 

Passer une journée à Hauteville House à Guernesey et y croiser son illustre fantôme.

 

Descendre un pack de bières devant un match de foot en compagnie de David Beckham. Comment ça, je vais trop loin ?

 

Faire une retraite silencieuse, reprendre des cours de chant, vider ma cave et jouer de la guitare.

 

Me brûler à l’étincelle d’une idée de livre, m’enfermer dans une vielle maison au bord de la mer pour écrire, déchirer, réécrire, pleurer, douter, picoler, fumer, recommencer, construire, détruire, fonder, étayer, édifier et enfin accoucher d’un roman génial.

 

Manger des myrtilles pour préserver ma vue afin de pouvoir lire jusqu’à mon dernier souffle.

La liste de Georges Perec
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11 mai 2014 7 11 /05 /mai /2014 21:05

Je n'ai jamais été très douée pour retenir les dates du coup il a fallu que mon hébergeur me fasse un petit mot doux pour que je me souvienne que j'ai ouvert ce blog il y a trois ans aujourd'hui !

Je n'ose même pas regarder les premiers billets... Cela dit je suis contente d'avoir partagé avec vous mes premières fois, puis mes dernières fois. Mes coups de coeur lecture, quelques textes écrits dans le cadre de mon atelier d'écriture et maintenant mes week-end lecture.

Comme le temps passe vite ! Jamais je n'aurais imaginé tenir aussi longtemps sans me lasser.

3 ans !

On continue ?

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15 avril 2014 2 15 /04 /avril /2014 18:27

Dernière création pour l'atelier d'écriture:

Depuis combien d’années n’avons-nous pas parlé ? Te souviens-tu de la dernière fois où nous nous sommes assis dans la cuisine avec une tasse de thé ? Te rappelles-tu quand tes enfants ont quitté la maison ? Il y a bien longtemps que notre maison est divisée en deux comme l’est la ville. Nous ne vivons pas ensemble, nous nous partageons le même toit. Parfois les soirs d’été, je regarde par la fenêtre de la cuisine, je vois le feu crépusculaire sur l’arête des collines .C’est si beau que cela me donne la force de tenir un jour de plus. Le soleil se couche sur Belfast et c’est encore une journée sans John, Sean et Paddy. Y penses-tu encore à notre fils tombé sous les balles du RUC au coin de Sandy Row ? L’as-tu au moins une fois pleuré cet enfant qui voyait en toi un héros de la résistance ? Un héros ! Tes seules batailles tu les as menées dans la chaleur collante et crasseuse de chez Murphy. Un héros qui chante fort la fière Irlande avec ses compagnons d’ivrognerie, qui bat sa femme mais qui baisse les yeux quand il croise un soldat ! Tu n’es pas digne d’être irlandais. Nous avons perdu John parce qu’il voulait que tu sois fier de lui, les deux autres sont partis parce qu’ils avaient honte de toi !

Je me souviens quand ils étaient petits, quand ils jouaient à la guerre avec des bouts de bois dans la rue comme tous les enfants de McDonnell Street. Les enfants jouaient, les femmes parlaient sur le trottoir jusqu’à l’arrivée des hommes qui rentraient du chantier naval. Les « Troubles » grondaient mais nous ressemblions tous encore à des familles. Les femmes soutenaient les épouses et les mères de prisonniers, consolaient les veuves. Les maris avaient encore du travail. Le samedi soir toute la rue se retrouvait au pub pour boire une pinte ou deux et chanter Le Chant du soldat avant de rentrer. La semaine les femmes n’y allaient pas, il fallait s’occuper des enfants et se préparer au retour d’un mari invariablement saoul et violent. L’histoire se répétait d’une maison à l’autre comme un écho. Notre silence de femmes humiliées était notre seul soutien et notre dernière trace de dignité.

La rue est toujours la même, nous avons encore tous les mêmes maisons en brique, un salon devant, une cuisine derrière, un escalier, deux chambres à l’étage, un bout de cour entre deux palissades en bois. Quelle que soit la maison dans laquelle on rentre, on se croit chez soi. Les enfants ont grandit, ils sont partis, Dieu les protège ! Restent les survivants, les mères abandonnées, les pères haineux et parmi eux les fantômes. Des hordes de fantômes auxquels on se heurte à chaque coin de rue, ceux qui sont tombés pour venger un père, un frère et qui croyaient encore à la liberté. Les combats cessent, les chefs signent des traités, toutes les milices déposent les armes mais personne ne dépose sa rancœur.

Je ne crois pas avoir jamais eu de colère contre toi, juste du mépris et de la pitié. Maintenant que nous arrivons au crépuscule de notre vie, je peux bien te dire que tu ne mérites que mon indifférence. J’ai mis au monde tes enfants, je les ai élevés comme j’ai pu, j’ai supporté ta brutalité jusque dans mon lit, j’ai lavé ta crasse et nourri ton corps. Je n’en ferai pas davantage.

Avant que la nuit envahisse totalement mon âme, tant qu’il me reste quelques rayons de lumière rousse comme celle si belle que je regarde depuis la fenêtre de la cuisine, je m’en vais. Rassure-toi, je pars les mains vides. Les seuls trésors de cette maison sont déjà partis. Je vais les rejoindre. Je sais que tu ne viendras pas me chercher à Dublin, tu as bien trop peur de tes fils. Je te laisse ta maison, tes fantômes, tes chants patriotiques, ta lâcheté et ta haine. Fais-en bon usage avant que la nuit ne s’abatte définitivement sur ce qu’il reste de toi.

West Belfast décembre 2013

West Belfast décembre 2013

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13 février 2014 4 13 /02 /février /2014 06:58

 

Lipogramme.

Définition : Un texte dans lequel l’auteur s’impose de ne jamais employer une lettre, parfois plusieurs. Se trouvent ainsi proscrits les mots qui contiennent cette lettre ou ces lettres.(Oulipo.net)

 

Dans un dictionnaire usuel d’environ 54 000 mots français, on dénombre près de 45 000 entrées comportant la lettre e, soit 83 % des termes. Le même calcul sur les formes fléchies révèle que 84 % des mots accordés ou conjugués dans notre langue utilisent au moins un e. Ainsi, quelle que soit l’ampleur de votre vocabulaire personnel, pour réaliser un e-lipogramme vous devrez vous appuyer sur 16 % de votre capital.(Petit manuel d'e-lipographie)

 

Arnaud somnolait sur un coussin. Son GSM indiquait minuit vingt. Abruti par l’alcool, il croupissait au bord du lit. Trois jours qu’il vouait à l’oubli.

Il avait cru mourir quand Korina avait fuit loin d’İstanbul. Il avait nourri tant d’amour pour son air mutin, son combat pour son canton lapon, son parfum, son corps si doux au goût d’abricot.

Korina, à l’instar d’Arnaud, aimait partir toujours plus loin. D’abord au Canada au Gabon, au Sri Lanka, à Singapour avant Istanbul, toujours à l’unisson. A coup sûr, un circuit qui n’allait jamais finir, il y avait tant à voir.

- « Jusqu’à la mort » jurait Korina.

L’accablant constat avait transi Arnaud quand Korina, sans un bruit, avait pris un taxi jusqu’au cargo qui filait pour Maldonado. Arnaud avait suivi à moto. Son baluchon au flanc, Korina organisait sa disparition. Dans la nuit, il avait vu partir sa Viking. L’amour vaincu par la soif du lointain. Sans un mot, Korina abandonnait son compagnon pour l’Uruguay poursuivant ainsi son road trip au hasard du courant.

Arnaud poussa un profond soupir. Il avait chaud, il avait soif, il puait. Il abandonna son polochon pour son tub. Puis il alla jusqu’au frigo, but du lait froid. Il marcha d’un pas lourd jusqu’au parc. Il s’assit sur un banc, massa son cou, son front. Il alluma un joint, inhala fort puis toussa. Dans la confusion puis l’hallucination, il crut parcourir un mauvais roman. Trahison s’inscrivit dans la nuit du jardin byzantin. Dans un brouillard cristallin, apparut Korina un poignard à la main portant un coup fatal dans son dos.

Trou abyssal, fin du bal.

 

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20 janvier 2014 1 20 /01 /janvier /2014 19:44

 

 Il avait mal aux pieds dans ses chaussures neuves. Sa mère lui avait acheté ces mocassins pour l’occasion. Serré entre ses parents sous le même parapluie, il attendait devant la salle Pleyel. Il faisait nuit, il faisait froid, il pleuvait. Il aurait donné son train électrique pour rentrer à la maison lire son illustré. Son père avait obtenu trois sièges pour voir et surtout écouter Yehudi Menuhin et Loui Kentner. Sa famille et lui n’étaient jamais allés au concert. Pour cette occasion, sa mère avait mis ses perles, son père portait son plus beau costume et lui avait mal aux pieds dans ses chaussures neuves trempées de pluie.

Dès les premières notes du Concerto pour violon de Beethoven, il avait été saisi puis envouté par la délicatesse du son, la violence et la douceur qui émanaient du violon. L’homme qui maniait l’instrument était un magicien. L’enfant était subjugué par chaque geste du violoniste, par l’élégance de l’objet. Il n’écoutait que lui, il ne voulait pas que ce charme s’arrête, jamais.

Peu après cette extraordinaire découverte, il avait demandé à son père de lui payer des cours de violon. Chaque moment de récréation était consacré au difficile apprentissage du solfège et des arpèges. Il avait mal aux doigts, le son n’était pas celui dont il se souvenait mais il ne pouvait plus se passer de son violon. Il en aimait la silhouette, la couleur ambrée, la finesse du manche, la rugosité des cordes. Chaque soir avant d’éteindre la lumière, il caressait l’épicéa vernis.

Lorsqu’il fût temps de choisir un métier, il souhaita devenir luthier. Il rêvait de fabriquer le meilleur des violons pour celui dont il écoutait chaque enregistrement, qu’il vénérait depuis cette soirée à Pleyel.

 

A 16 ans, avec la bénédiction de ses parents, il quitta Paris pour les Vosges. A Mirécourt, il commença son apprentissage chez un maître luthier archetier. Ses compagnons apprentis comme lui portaient tous un sobriquet, tradition ancestrale des artisans d’art. Celui dont il était le plus proche c’était le pirate car il était né à Saint Malo. Lui, les anciens l’avaient baptisé Tour Eiffel. Dans son tablier bleu nuit, il se sentait déjà artiste. Il aimait le parfum des différents bois. L’épicéa du Tyrol et le buis pour les tables, l’ébène pour les chevalets, le palissandre pour les chevilles, l’érable de Dalmatie pour les manches. Il apprit à coller impeccablement les deux pièces en bois blanc d’un fond. Il était doué pour le dessin, habile à créer de belles volutes, appliqué à la découpe d’une ouïe. Il aimait passer du temps avec le maitre vernisseur. Adossé au mur près du réchaud, dans une odeur de caramel, il écoutait les consignes pour réussir un bon vernis fait d’huile de lin, de goudron de Norvège, de térébenthine cuite plus de deux cents heures. Le pirate se spécialisa dans l’archeterie. A eux deux, ils caressaient l’ambition de s’associer dans un même atelier de lutherie. Parfois le samedi soir, le maître réunissait ses apprentis pour jouer les instruments terminés. Certains jouaient fort, faisaient crier le violon, ils étaient rustiques comme le sont les Irlandais. Lui, Tour Eiffel, caressait les cordes. Lui, posait ses doigts sur le manche comme s’il touchait la douce main d’une jeune fille. Manier l’instrument lui procurait un ravissement. Il aimait le violon et son chant comme on aime un enfant.

Lorsqu’ils terminèrent leur formation, le luthier et l’archetier avaient mis assez d’argent de côté pour louer un petit atelier près de la rue Legendre dans le XVIIe arrondissement de Paris. Ils installèrent deux établis. Rabots, limes, gouges, bédanes trouvèrent leur place devant le poste de travail. Les crins et les cordes ornaient les murs de ce petit atelier sombre où les deux amis restauraient, inventaient, réparaient les instruments. L’un travaillant le Pernambouc, l’ivoire et la colophane pour les crins, l’autre ôtant quelques fibres à l’âme d’un violon avec son canif pour en rectifier le son. La vitrine de l’atelier faisait leur fierté. Un râtelier au plafond permettait de pendre les instruments, quelques archets leur tenaient compagnie et, posé sur un chevalet, ils avaient installé le portrait de celui à qui le luthier avait dédié son art et sa vie depuis ce soir de 1954 où Yehudi Menuhin, virtuose américain, avait conquis son cœur et son âme d’enfant.

 

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15 janvier 2014 3 15 /01 /janvier /2014 17:30

 

L’événement était assez inhabituel pour qu’il s’imprime dans l’esprit de cette petite fille. Ce soir-là, ses parents allaient au cinéma. Ils ne sortaient jamais à tel point que Lucie trouva très insolite d’être gardée par son grand frère. Quelques temps auparavant, elle avait entendu la critique du film faite par des amis de son père. Critique qui avait décidé ses parents à sortir ce soir-là, après diner pour se rendre au California voir Le Parrain. Dès le lendemain, ses parents avaient fait l’éloge de cette soirée autour d’eux. Lucie écoutait fréquemment tantôt sa mère, tantôt son père raconter des scènes du film. Elle finit par connaître le nom des acteurs, Marlon Brando, Robert Duvall comme si c’était des proches. Quel film ce devait être ! Ce qui intriguait le plus la petite fille, c’était ce que sa mère racontait à propos d’une tête de cheval mort trouvé dans un lit. Cette histoire effrayante l’accompagna un temps chaque fois qu’elle ouvrait ses draps pour se coucher. Le Parrain, ce n’était pas qu’un film, c’était une atmosphère étrange qui avait envahi l’esprit de Lucie après ce soir inhabituel. Une atmosphère dans laquelle la petite fille décelait un secret teinté de mystère, des hommes en noir qui chuchotaient armes à la main. Pensées accentuées par cette chanson de Dalida qui passait à la radio. « Parle plus bas car on pourrait bien nous entendre… » récitait la chanteuse »… « Le monde n’est pas prêt pour tes paroles tendres… » reprenait sa mère. Et souvent le soir la vision de cette tête de cheval dans un lit inondé de sang. Pourquoi quelqu’un avait-il coupé la tête d’un cheval ? Pourquoi ses parents avaient-ils été voir une chose aussi affreuse ? Un mot revenait régulièrement dans la discussion qui entourait ce film. Mafia. Lucie n’en comprenait pas le sens mais le son de ce mot à lui seul évoquait un terrible danger. Cette mafia avait été assez forte pour faire sortir ses parents le soir !

 

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Aujourd’hui Lucie est une femme dont le film favori s’intitule Le Parrain. Elle ne compte plus le nombre de fois où elle l’a vu. Elle possède le DVD et regarde les rediffusions à la télévision. Elle est toujours émue dès les premières notes de Nino Rota. Lucie regarde toujours la scène de la tête de cheval comme s’il s’agissait d’un souvenir d’enfance personnel et elle a vite compris ce que le mot mafia désignait.

Quand elle avait traversé la Sicile sur des petites routes poussiéreuses bordées d’orangers et de figuiers de Barbarie, elle n’avait pas cessé de fredonner la valse du parrain. Devant ces paysages désertiques, sous un soleil harassant, elle imaginait Michael Corleone et la belle Apollonia. Quand elle est allée à New York visiter le musée de l’immigration à Ellis Island, elle a pensé au petit Vito auquel l’agent d’accueil accole le nom de Corleone parce qu’il ne comprend pas ce que dit ce petit Sicilien.

Dans la naïveté de ses 9 ans, dans les bribes de conversations qu’elle avait écoutées, Lucie avait bien perçu tout le mystère et la dangerosité de ce qui entourait ces personnages et cette musique. Elle ignorait alors à quel point ce qu’elle entendait allait la suivre toute sa vie. Que lors de ses voyages ce film s’imposerait à la situation, qu’elle n’oublierait jamais les paroles de la chanson de Dalida et qu’elle vouerait malgré elle, une fascination pour l’honneur, la vengeance et le secret.

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12 décembre 2013 4 12 /12 /décembre /2013 18:31

 

Elle avait les mains les plus affreuses que j’aie vues. Elle les cachait parfois dans ses poches ou dans son dos.Les extrémités de ses bras n’étaient plus que des cochets noueux. A l’époque la polyarthrite rhumatoïde, on appelait ça des rhumatismes déformants. Ses poignets avaient perdu toute mobilité, ils étaient devenus raides et paralysés. Chaque doigt était tordu, chaque jointure ressemblait à un gros nœud. Ces mains ne m’effrayaient pas bien que je les comparais à celles de la sorcière de Blanche Neige. Ses pieds étaient dans le même état ce qui donnait à sa marche un équilibre précaire. Ses doigts, ses orteils se tordaient depuis des années comme les racines d’un arbre. Etait-ce la conséquence de sa vie sur ce continent qui ne l’avait pas vu naître ? Son corps criait qu’il avait été arraché à la terre froide de son île. Elle était comme un arbre déraciné. Femme menue au caractère dur, corsé.

Elle montrait rarement des signes de souffrances de ces hideuses et douloureuses déformations mais il suffisait de la regarder prendre un objet ou marcher dans le couloir pour voir à quel point elle était handicapée. Tel un arbuste sec, toutes ses branches étaient tordues, bloquées dans un ultime geste de rétractation.

Je ne l’ai jamais vue pleurer, je l’entends encore siffloter La chanson de Lara de Maurice Jarre. Elle m’a appris à faire des mots croisés, à jouer aux petits chevaux. Je la revois penchée au dessus de son lit, concentrée sur ses réussites. J’adorais la regarder retourner ses cartes, ordonner ses colonnes. Puis est venu le temps où ses mains de plus en plus tordues ne lui ont plus permis de jouer ni d’écrire.

Jusqu’à la fin de sa vie, elle s’est tenue droite, la tête haute et le regard fier. Elle aura été le petit arbre le plus solide de la forêt.

 

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Caspar David Friedrich - Abbaye dans la forêt

 


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27 juin 2013 4 27 /06 /juin /2013 20:10

Je n'ai pas écrit mercredi, je n'avais pas l'envie. Je prend un peu trop à coeur la scolarité de mon fils et bien qu'il soit bon élève, je suis déçue qu'il n'ait pas été affecté où nous le souhaitions.

Afin de ne pas décevoir mes lecteurs assidus, je vous propose aujourd'hui la première nouvelle que j'ai écrite pour l'atelier d'écriture et qui a été retenue pour publication sur le site de l'association des Ecritures Colombines. Je dois avouer humblement que ce soir je suis un peu fière de moi.

 

Vous trouverez mon texte en suivant ce lien : Souviens-toi

 

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Vos commentaires seront les bienvenus, je vous souhaite une bonne lecture.

 

 

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12 juin 2013 3 12 /06 /juin /2013 12:27

 

Allez c'est fête aujourd'hui, deux billets dans la même journée !

 

 

L'idée m'a été proposée par ma copine Marie-Hélène qui a trouvé l'idée chez son amie Cécile. Marie-Hélène m'a dit qu'elle aimerait que je participe à cette petite création, je n'ai pas pu lui dire non tant j'ai été séduite par l'originalité du sujet. 

 

Ecrire une lettre à celle ou celui que l'on était quand on avait 16 ans .

 

Je l'ai revue dans sa chambre chez ses parents, Supertramp ou Genesis à fond sur l'electrophone. Ses cheveux longs, Son jean, ses Stan Smith et son sweat shirt Fruit of the Loom. Je l'ai vue assise à mon bureau près de la fenêtre, décachetant la lettre que je viens de lui écrire et qu'elle découvre en même temps que vous :

 

 

Ma chère Catherine,

Je sais que tu adores recevoir du courrier et je suis bien certaine que cette lettre, aussi surprenante soit-elle, ira rejoindre la boite à courrier que tu gardes précieusement sous ton bureau. Pour preuve de mon identité, je vais te dire où tu caches la clef de cette fameuse boite: elle est dans ton pot à crayons. Tu me crois maintenant ?

Ma chère Catherine, je ne t’écris pas pour te raconter ce qu’il va t’arriver, cela serait bien dommage de ne te laisser aucune découverte mais sache que même si aujourd’hui tu n’aimes pas qu’on t’appelle Cathy, maintenant plus personne ne t’appelles autrement. Catherine a disparue au profit du diminutif si cher à tes parents. Comme quoi les parents ont souvent raison, même si tu es convaincue du contraire. Ca aussi tu le découvriras en temps voulu.

Aujourd’hui tu as 16 ans, tu es heureuse, légère, pas très convaincue de l’intérêt de tes études. Ton caractère grognon ne changera pas, heureusement que ton sourire et ton joli minois ne feront pas fuir les belles rencontres que tu vas faire. Je dois reconnaître que tu as raison, tu n’es pas faite pour les études. Attention, que cette remarque ne te fasse pas tout lâcher maintenant, tu as encore des choses à apprendre si tu veux faire ce que tu as envie, ne pas suivre le troupeau !

Je voudrais que tu profites pleinement de ta jeunesse, de ta légèreté .Même si parfois l’ambiance à la maison est insupportable, rassures-toi, tu ne vivras pas comme eux, tu sauras éviter les conflits. Professionnellement, tu auras une belle occasion, saisis là même si elle te coûtera cher. Tu auras des périodes difficiles et douloureuses mais rassures-toi, ce chemin est nécessaire pour atteindre une certaine sérénité et la liberté que tu chéries tant. Tu auras aussi de très grands bonheurs, tu feras de beaux voyages et tu garderas des amis sincères. Tiens, sans te la nommer pour ne rien influencer, je peux juste te dire qu’une de tes copines sera toujours à tes cotés. Je la vois régulièrement, nous sommes toujours amies.

N’aies pas peur même si tu te sens invisible, saches que tu brilles toujours dans les yeux de quelqu’un, crois-moi, n’oublies jamais ça. Si je l’avais su à ton âge, cela m’aurait peut-être aidé à m’aimer un peu.

N’aies pas peur des nuages, n’aies pas peur de la nuit, chaque tunnel que tu vas traverser te mènera vers le soleil. Il y aura toujours une issue, garde bien ça à l’esprit. Reste toi-même et surtout crois-moi, tu es belle et tu es quelqu’un de bien. Profites-en !

Voilà, tu fais quoi ce soir, il y a un match à la salle ? 

Prends soin de toi Catherine, tu ne vas pas vivre la vie de madame Tout-Le-Monde et c’est bien ce que tu souhaites, non ? Alors avance, je suis là.

Je t'embrasse affectueusement

 

Cathy

 

 

PS : Tu ne vas jamais me croire mais sache que dans l’avenir, tu seras une lectrice assidue !

 

 

 

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